Le dirigeant du parti Move Forward, Pita Limjaroenrat, à son arrivée à la Cour constitutionnelle, à Bangkok, le 7 août 2024. CHATKLA SAMNAINGJAM / AP La Cour constitutionnelle thaïlandaise a prononcé, mercredi 7 août, le bannissement pour dix ans de Pita Limjaroenrat, la personnalité politique la plus populaire du pays, et la dissolution de son parti prodémocratie, Move Forward (MF), accusé de vouloir déstabiliser la monarchie. « La Cour constitutionnelle a voté à l’unanimité pour dissoudre Move Forward et bannir les membres du comité exécutif qui ont exercé leurs fonctions du 25 mars 2021 au 31 janvier 2024 », ce qui inclut Pita Limjaroenrat, a déclaré le juge Punya Udchachon, lors de la lecture du verdict. Le vainqueur des élections de 2023 perd son mandat de député, et le droit de se présenter jusqu’en 2034, ont tranché les juges, qui ont condamné de la même manière dix autres cadres du parti, dont l’actuel secrétaire général de MF, Chaithawat Tulathon. L’Organisation des Nations unies (ONU) « exprime son profond regret concernant la décision de la Cour constitutionnelle de Thaïlande », a déclaré à la presse Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU. « C’est un recul pour le pluralisme et la démocratie en Thaïlande et pour les libertés d’association et d’expression », a-t-il ajouté. Cette décision, ouvre un nouveau cycle d’incertitudes dans un royaume divisé, sur fond de renforcement des élites économiques et militaires qui défendent les intérêts de la monarchie. Plus d’un an après le score historique de MF aux législatives, bâti sur la promesse d’un programme progressiste rarement vu en Asie du Sud-Est, le parti est accusé d’avoir voulu renverser la monarchie durant sa campagne électorale en proposant une réforme de la loi 112, qui concerne le crime de lèse-majesté. Le parti jugeait alors cette loi hors de contrôle et instrumentalisée par le pouvoir pour réprimer les dissidents. « Soyons tristes aujourd’hui, pour un jour, mais allons de l’avant dès demain, et relâchons notre frustration dans le prochain bulletin que l’on déposera dans l’urne », a réagi Pita Limjaroenrat lors d’une conférence de presse, à Bangkok. « Nous ne vous quitterons jamais », a insisté le leader charismatique, entouré sur scène par plusieurs membres de MF vêtus de noir. Tabou de la lèse-majesté « Lors des deux dernières décennies, trente-trois partis ont été dissous, dont quatre importants qui étaient élus par le peuple. Nous ne devrions pas normaliser ce modèle ou accepter l’utilisation d’un tribunal politisé pour détruire les partis politiques », a rappelé Pita Limjaroenrat mercredi. L’avenir des députés de ce parti reste incertain, bien que M. Limjaroenrat leur souhaite « une transition en douceur ». Les membres du parti dissous ont promis de reprendre le flambeau, dans une nouvelle structure qui sera dévoilée vendredi, selon une responsable. Une vidéo, publiée sur le compte X de MF quelques minutes après l’annonce de la dissolution, a vanté les idées « indestructibles » du mouvement et le « début d’un nouveau voyage ». Les juges ont pris « une décision indéfendable qui révèle le mépris total des autorités pour les obligations internationales de la Thaïlande en matière de droits humains », a réagi Deprose Muchena, directeur général d’Amnesty chargé de l’impact régional sur les droits humains, cité dans un communiqué. Les accusations visant MF et son chef sont gravissimes en Thaïlande, pays où le roi, Rama X, bénéficie d’un statut de quasi-divinité. Le parti s’est défendu de toute manœuvre illégale et a dénoncé l’ingérence d’institutions contrôlées par ses adversaires politiques au détriment de l’expression populaire. Lors de sa campagne, MF a été le seul parti à évoquer le tabou de la lèse-majesté et promettait une nouvelle Constitution, une réduction du budget de l’armée, et la fin de certains monopoles d’entreprises jugées trop puissantes. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Thaïlande : la Cour constitutionnelle interdit tout débat sur le crime de lèse-majesté, au désarroi des réformateurs Ajouter à vos sélections En février, un tribunal avait déjà condamné Pita Limjaroenrat et sept autres figures du mouvement prodémocratie à quatre mois de prison avec sursis, pour une manifestation organisée en 2019 et qui avait été jugée illégale. Le Monde Application La Matinale du Monde Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer Télécharger l’application Plus de quatorze millions de Thaïlandais – un résultat inédit en plus de dix ans – avaient choisi MF lors des législatives de mai 2023, pour tourner la page d’une quasi-décennie de domination par les militaires issus d’un putsch en 2014, qui a creusé les inégalités et plombé la croissance. Le parti, arrivé en tête de ces élections, était resté dans l’opposition faute de parvenir à former une coalition. En 2020, la dissolution de Future Forward, l’ancêtre de Move Forward, avait donné lieu à d’importantes manifestations, éteintes par la pandémie et la répression des autorités visant les principales figures du mouvement, en vertu, dans de nombreux cas, de la loi de lèse-majesté. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Thaïlande, Move Forward bouscule le jeu politique et s’impose en tête du scrutin législatif Ajouter à vos sélections Le Monde avec AP et AFP Réutiliser ce contenu
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Author : News7
Publish date : 2024-08-11 11:50:02
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