Toujours tirée à quatre épingles, Alice Weidel parle lentement, distinctement, avec toujours des fusils dans les yeux. Sage chemisier blanc, blazer bleu marine et collier de perles, elle a l’allure d’une gouvernante. La froideur de la présidente et candidate de l’extrême droite allemande aux élections législatives du 23 février lui vaut le surnom de “princesse de glace”. Mais au fond d’elle, elle bouillonne. Avec des intentions de vote qui dépassent les 20 %, loin devant le SPD du chancelier Scholz et les écologistes, Alice Weidel n’a jamais été aussi ardente et sûre d’elle. Douze ans après sa création, l’AfD (Alternative für Deutschland) s’apprête à devenir la deuxième force politique d’Allemagne. Après avoir décrété, en 2017, que le “politiquement correct appartenait aux poubelles de l’histoire”, la candidate de l’AfD est encore montée d’un cran au congrès de Riesa (Saxe), le 11 janvier. Elle fait désormais partie, comme dit le chancelier Olaf Scholz, de “ces populistes de droite qui rêvent de faire de la politique avec une tronçonneuse”.”Nous allons raser toutes les éoliennes, toutes les raser ! Raser ces moulins à vent de la honte !”, a-t-elle promis devant des militants enthousiasmés. Son programme de campagne se résume en trois mots : s’isoler, détruire, expulser. “Lorsque nous serons au pouvoir, martèle-t-elle, nous fermerons hermétiquement toutes les frontières, nous relancerons les centrales nucléaires, nous rouvrirons Nordstream [NDLR : le gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne] et nous mettrons à la porte tous les professeurs qui travaillent sur le genre”. Sans oublier le retour du deutsche mark et le “Dexit”, la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne. Le point d’orgue du show du congrès de Riesa a été son ode à la remigration, un terme réservé jusqu’à présent à l’aile identitaire pour qualifier le plan d’épuration ethnique de l’Allemagne. Weidel veut des “expulsions de masse”. “Et s’il faut appeler cela remigration, alors appelons cela RE-MI-GRA-TION”, a -t-elle concédé en articulant distinctement ce mot longtemps tabou parmi les “modérés” du parti.Un modèle traditionnel en contradiction avec sa vie personnelleDévorée par l’ambition, Alice Weidel aurait pu rejoindre n’importe quel parti pour faire carrière dans la politique. Mais elle a choisi l’AfD, un parti dominé par les hommes (11 % des députés au Bundestag sont des femmes) qui glorifient une image “traditionnelle” de la famille et des idées identitaires. Une décision a priori surprenante, puisque sa vie privée entre en totale contradiction avec ces valeurs. Homosexuelle déclarée, elle vit depuis 17 ans avec une femme, une réalisatrice d’origine sri-lankaise à la peau brune avec qui elle élève deux enfants. Cette famille “arc-en-ciel”, qui vit en Suisse, incarne la diversité et le mélange ethnique abhorrés par des militants misogynes et homophobes. “Une famille, c’est un père, une mère et si possible beaucoup d’enfants”, a lâché devant elle Krzysztof Walczak, un délégué AfD au congrès de Riesa.Alice Weidel n’a pourtant pas hésité à approuver la motion sur ce modèle familial de référence dans le programme électoral du parti. Pour sa défense, elle assure qu’elle n’a pas adhéré en 2013 à l’AfD en dépit mais à cause de son homosexualité. “Je ne suis pas une queer. Je suis mariée à une femme que je connais depuis près de 20 ans”, dit-elle pour se justifier en déplorant les zones de non-droit “submergées par une immigration musulmane où les homosexuels ne peuvent plus aller”. Originaire d’Allemagne de l’Ouest, Alice Weidel a commencé sa carrière dans la banque d’investissement chez Goldman Sachs et la gestion de fortune chez Allianz Global Investors. Elle a obtenu son doctorat en se focalisant sur le système de retraite en Chine où elle a passé six ans (elle parle le mandarin). Avec Margaret Thatcher comme modèle, elle incarne la finance internationale diabolisée par les militants de l’AfD qui tirent à boulets rouges sur les “élites mondialistes” encourageant, selon eux, l’immigration et mettant en danger la sécurité et la culture allemande.Allégeance à l’aile identitaireSi cette femme attirée par les sommets a accepté de se soumettre aux identitaires, c’est pour ne pas subir le même sort que ses prédécesseurs “modérés”. Tous ont été évincés sans ménagement par l’ancien professeur d’histoire Björn Höcke, président de la fédération de Thuringe – un homme surveillé par les services de renseignement pour ses accointances avec les néonazis. Depuis son triomphe électoral, le 1er septembre (avec un score de près de 33 % des voix), Höcke fait office de président de l’ombre à l’AfD. En 2017, Alice Weidel s’était déclarée favorable à son exclusion à cause de ses relations avec les milieux néonazis et ses déclarations sur la “stratégie de reproduction des Africains” et la Russie vue comme un “allié naturel de l’Allemagne”.Le discours “à la tronçonneuse” de Weidel à Riesa a été interprété comme l’acte d’allégeance à l’aile identitaire de son parti. La radicalisation a conduit au divorce entre l’AfD et le RN pendant la campagne des européennes lorsque la tête de liste, Maximilian Krah, avait déclaré que les SS n’étaient “pas tous des criminels”. Les identitaires l’ont rappelé pour la campagne des législatives dans la région de Saxe, le bastion de l’extrême droite allemande. Weidel n’a rien dit. “Ils ont pris le contrôle”, insiste Jörg Meuthen, le dernier des présidents “modérés” qui a jeté l’éponge en janvier 2022.Le soutien d’Elon Musk a été un cadeau du ciel pour poursuivre la normalisation du parti et élargir son audience. “L’AfD est le seul parti qui peut sauver l’Allemagne”, a déclaré le multimiliardaire de la tech américaine. Alice Weidel a utilisé l’entretien exclusif qu’il lui a accordé, le 9 janvier, sur sa plateforme X, pour se présenter en victime d’une campagne de dénigrement et d’ostracisation de la part de “responsables politiques allemands stupides”. “Nous ne sommes pas des nazis. Hitler était un communiste”, a-t-elle expliqué à Elon Musk avant d’ajouter : “Nous sommes les seuls capables de protéger les juifs d’Allemagne”.”Weidel permet à l’AfD de se présenter avec un visage plus respectable aux électeurs. Elle est sur la ligne de Giorgia Meloni et de Viktor Orbán”, analyse Gerd Mielke, politologue à l’Université de Mayence. Elle sait néanmoins qu’elle n’a aucune chance de devenir chancelière le 23 février, aucun parti ne voulant s’allier avec l’AfD. Mais elle garde un objectif à long terme, celui de remplacer la CDU, un “parti d’escrocs”, comme première force politique d’Allemagne. Pour elle, le cordon sanitaire est “antidémocratique”. Il ne pourra pas tenir longtemps. Elle est persuadée que les conservateurs allemands finiront par céder, comme aux Etats-Unis, en Autriche ou en France. Pour preuve, à l’Est, la situation politique est devenue intenable. Impossible de gouverner sans l’AfD dans les régions de l’ex-RDA. Dans les parlements régionaux, la CDU est désormais obligée de s’allier avec le parti pro-Poutine de Sahra Wagenknecht (BWS) pour faire barrage à l’extrême droite. “Avec Weidel, la normalisation de l’AfD est en cours et devrait permettre d’atteindre les 30%. En 2029, elle pourrait être en mesure de former un gouvernement avec les conservateurs”, avance le politologue Gerd Mielke. Avec elle, comme chancelière.
Author : Christophe Bourdoiseau
Publish date : 2025-01-15 06:00:00
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Author : MondialnewS
Publish date : 2025-01-15 06:51:54
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